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« Rien ne se perd, tout se transforme ».

C’est avec cette formule, empruntée au chimiste français Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794), que GemGenève invite cette année une nouvelle génération de talents à exprimer sa créativité.

En résonance avec l’urgence climatique et les enjeux environnementaux de notre époque, le thème choisi pour le concours de gouaché 2023 invite à une réflexion sur l’usage des ressources.

« Parce qu’il n’y a pas d’autre planète pour nous recevoir », l’art de la joaillerie et l’univers de la bijouterie n’échappent pas à l’impératif de répondre au besoin du présent, tout en anticipant la viabilité du futur.

Plus que jamais, la nécessité de développer de nouvelles manières de créer s’avère essentielle, et le recours à des pratiques d’upcycling, de recyclage ou de revalorisation des matières semble incontournable.

Faisant écho aux notions de développement durable, d’économie circulaire, de non-gaspillage et de transmission, « rien ne se perd, tout se transforme » ouvre la voie à une multitude de possibilités créatives.

Le défi qui se pose pour chaque designer devient alors d'imaginer un design puissant, une forme singulière et un bijou de caractère incarnant cette notion de développement durable.

Mais comment et par quel processus créatif y parvenir ?

Pour Elizabeth Fischer, tout est question de méthodologie, et repose sur des principes de création incontournables.

 

EXPLORER LE BRIEF

À l’origine de chaque design, il y a un brief. Se résumant souvent à une phrase ou à un unique mot, c’est à partir de ce bref énoncé que le designer va élaborer son projet et faire émerger une forme, un objet ou un bijou.

« Rien ne se perd, tout se transforme » peut être une invitation à s’interroger : « Aujourd’hui, qu’est-ce qu’un bijou durable ? ». L’enjeu consiste à questionner cette notion et à en proposer une interprétation personnelle, originale et inédite.

Parce qu’il est le point de départ de tout projet, le brief doit être analysé en profondeur. La première étape est donc celle du brainstorming. Il convient de « faire parler le brief », de l’interroger. L’objectif est d’en extraire les idées et les notions clefs afin de trouver l’angle le plus original pour aborder le thème donné.

Cette phase de brainstorming peut faire l’objet d’une réflexion individuelle, mais peut aussi être l’occasion d’un travail collectif entre designers.

Souvent, les interprétations les moins conventionnelles donnent naissance aux designs les plus audacieux et extraordinaires. Même le brief le plus banal peut être prétexte à une interprétation décalée et insolite. C’est ainsi que pour répondre à une commande de haute joaillerie, la créatrice britannique Solange Azagury-Partridge imagine un pendentif « cœur » conformément au brief. Mais au lieu de se diriger vers le cœur comme forme géométrique, elle choisit de revisiter l’organe vital, et donc d’aborder le thème du cœur d’un point de vue anatomique. De cette manière, elle produit un bijou peu conventionnel tout en restant fidèle au brief.

La spécificité d’un brief est qu’il peut toujours être compris, interprété ou exploré d’après une multitude de points de vue. Ainsi, il est possible d’aborder la notion du développement durable sous différents angles : environnemental, économique, éthique, sociétal… Il revient au designer de choisir l’approche qui peut lui permettre de réaliser le travail le plus original.

Parce que tout processus créatif est toujours un processus exploratoire, cette première étape doit être répétitive. Explorer le brief ne se fait pas de manière linéaire, il s’agit de s’interroger plusieurs fois, de différentes manières, selon plusieurs points de vue. C’est une phase de travail importante du processus de création.

Pour faciliter cette étape, il est possible de la structurer à l’aide de questions. L’idée est de s’appuyer sur une liste d’interrogations qui vont servir de support au designer : Quelle serait la fonction de cet objet ? Quelle est sa forme ? Est-ce un objet éphémère ? Par qui, où et comment est-il fabriqué ? Avec quelle matière est-il réalisé ? 

Le doute et l’erreur font également partie du processus de conceptualisation. Pour reprendre les mots de Samuel Beckett : « Essayer encore, rater encore, rater mieux » doit être le mantra de tout designer. Pour trouver un angle original, il faut sans cesse oser, prendre des risques, essayer, se tromper. D’ailleurs, la solution se trouve parfois dans l’erreur, et une découverte hasardeuse peut faire émerger une piste de création intéressante.

La véritable erreur consiste à rester sur sa première idée, car "elle n’est jamais la bonne" ! Pour Elizabeth Fischer, c’est toujours dans un second temps que les idées intéressantes apparaissent, d’où la nécessité de se vider la tête, de jeter rapidement ses premières intuitions sur le papier sous forme de croquis ou de mots-clefs.

 

CHOISIR UN AXE DE CRÉATION

Choisir un axe de création est indiscutablement la deuxième étape clef de tout processus de conceptualisation. 

Selon l’angle retenu, il convient de choisir un axe de création qui fait sens. Il peut s’agir de la matière, de la technique, des procédés de production ou de commercialisation, ou bien encore de la symbolique du bijou. Encore une fois, les possibilités sont multiples.

L’axe de création est le fil conducteur qui permet au designer de ne pas s’éparpiller et de construire un projet cohérent. Et puisque choisir, c’est toujours renoncer, il doit être capable de légitimer son choix et d’argumenter sur sa logique de création.

Tout au long du processus créatif, il est important de confronter son design au regard extérieur, de le faire évoluer en fonction des avis, des remarques, mais aussi des critiques qu’il peut provoquer. Ces retours sont nécessaires et enrichissants, et font partie du processus de conceptualisation. Il faut oser interroger son entourage, ses collaborateurs, prendre l’avis des autres designers, ne pas avoir peur de se confronter à la critique, car elle est constructive.

Évidemment, la conceptualisation d’un design implique un travail de recherche soutenu. Tout au long du processus créatif, le designer doit chercher l’inspiration, laisser libre cours à son imagination, de manière à produire quelque chose de différent et d’original. L’astuce est de ne jamais se laisser influencer par ce qui existe déjà. Ainsi, avant de rechercher des références chez d’autres joailliers, le designer doit chercher à éveiller sa curiosité et sa créativité par ce qui l’entoure : une matière, un motif, une couleur… Tout peut être source d’inspiration. Collecter le maximum d’influences permettra d’enrichir la qualité de sa proposition. Pour parvenir à créer de la cohérence, il est toujours judicieux de classifier les informations et influences collectées selon la fonction à laquelle l’objet est rattaché : sociétale, commerciale, symbolique, technologique, esthétique ou identitaire. 

 

JOAILLERIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

L’art de la joaillerie offre aux designers la possibilité d’exprimer leur créativité d’une manière infinie. La notion de développement durable a déjà largement inspiré les grands joailliers de la place Vendôme ou les créateurs indépendants. Chacun à leur manière, ils ont interprété ce concept et imaginé des pièces incarnant cette vérité du « rien ne se perd, tout se transforme ».

Créant à partir de leur sensibilité, de leur ADN, de leurs valeurs, mais aussi de leurs engagements, ils ont développé une approche personnelle et élaboré une variété de démarches créatives.

 

L’écologie des matières de Boucheron

En 2019, la maison Boucheron matérialise pour la première fois son engagement en faveur de l’environnement et révèle son désir de contribuer à l’élaboration d’une joaillerie écoresponsable. En dévoilant sa collection Jack, elle introduit pour la première fois le cofalit, un nouveau matériau produit à partir du recyclage de ses propres déchets industriels. Cette démarche, insoupçonnable en regardant le bijou, doit être rendue accessible par un discours. Ainsi, pour valoriser cette collection, qui ouvre la voie à de nouvelles manières de produire et de créer de la valeur, Boucheron construit un storytelling fort et impactant qui ancre sa démarche dans une nouvelle modernité. 

 

Sublimer la matière comme Jean Vendôme

Dès les années 1950, le créateur Jean Vendôme explore des matériaux dits « alternatifs » pour créer ses bijoux. Assemblant des matières insolites à des matériaux précieux ou semi-précieux, il développe un style très personnel et réalise des pièces de caractère. Son audace ? Introduire dans ses créations des éléments naturels comme des pinces de crabe, qui, sublimées par le bleu du lapis-lazuli ou le rouge du grenat, donnent vie à un collier extravagant.

Sa démarche créative amène inévitablement à une réflexion sur la préciosité. Qu’est-ce qui rend un bijou précieux : les matériaux qui le constituent ou la manière dont ils sont assemblés ? Pour le créateur Jean Vendôme, précurseur et visionnaire, le plus important en joaillerie ce n’est pas la matière, mais bien la manière avec laquelle on la magnifie. En osant sortir des sentiers battus, Jean Vendôme ouvre de nouvelles voies de création et fait entrer la joaillerie moderne dans une nouvelle ère.

 

Hemmerle et la notion de durabilité

Le créateur allemand Hemmerle imagine dans les années 1990 un bijou minimaliste, Harmony Bangle, une manchette à la forme extrêmement simple. Ce design épuré permet de décliner facilement le bijou dans divers matériaux : or, cuivre, bronze, ou bois. Sertie de diamants, pierres semi-précieuses ou de galets, cette forme dépouillée rend possible la fusion de matériaux précieux et naturels. La possibilité d’avoir recours à des matières variées, précieuses ou non, inverse la manière de créer et c’est désormais le bijou qui s’adapte aux ressources disponibles ou accessibles.

Hermmerle va encore plus loin dans sa démarche et aborde la notion de développement durable d’un point de vue technique inédit. Le joaillier n’utilise que des techniques et des savoir-faire perdus. Pour Hermmerle, redonner vie à des techniques ancestrales est une manière de préserver un savoir-faire d’excellence, et ainsi de produire un bijou qui porte en lui cette notion de durabilité.  

 

Le bijou comme symbole

Au-delà du design ou de la matière, la portée symbolique du bijou peut aussi être un axe de création fort. Les bijoux portés par l’ancienne secrétaire d’État américaine Madeleine Albright en sont une très belle illustration. Passionnée de broches, Madeleine Albright a fait de ce bijou sa plus belle arme de communication et l’a brillamment utilisé pour faire passer ses idées de manière subtile et poétique. Le bijou devient un symbole dont la fonction première revient à sensibiliser, alerter ou faire passer un message fort.

En 1999, lors d’un meeting au Moyen-Orient, Madeleine Albright arbore une broche « Colombe » de la créatrice française Jeanne&Cécile, une intelligente façon de rappeler son engagement en faveur de la paix. De la même manière, lors de la cérémonie du Prix The Lantos Human Rights en 2013, Madeleine Albright porte un bijou de la créatrice Vivian Shimoyama nommé The Glass Celling. Signifiant « le plafond de verre », cette broche matérialise son engagement en faveur de l’avancement des femmes et des minorités dans la société.

 

POUR CONCLURE

In fine, c’est d’après la manière dont il analyse le brief qu’un designer parvient à déceler et à choisir l’axe de création le plus original. La conceptualisation d’un design est toujours le résultat d’un processus exploratoire personnel.

S’il n’y a pas de règle pour parvenir à élaborer un design puissant, chaque créateur peut toutefois concevoir son propre processus de création en respectant certaines étapes et principes.

Permettant de prendre la mesure de l’immense liberté et des infinies possibilités qu’offre tout brief à un designer, ce workshop propose une véritable « méthodologie de la création » en soulignant que tout concept peut toujours être abordé et interprété de multiples manières. 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

Claude Courtecuisse, Dis-moi le design, Édition Isthme, Paris, 2004

Ce livre, considéré comme un outil pédagogique de référence, aborde le design via un de ses éléments emblématiques : la chaise. Une méthode claire et simple qui donne les bases de la compréhension du design selon cinq approches complémentaires (collecter, classer, questionner, développer et créer). Des clés à mettre entre toutes les mains de ceux qui veulent transmettre.

 

 

   
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Speaker: Olivier Bachet

 

Introduction

Olivier Bachet has deep knowledge of Cartier. During a fascinating talk held during the November edition of GemGenève, he spoke about the influence that Fabergé had on various jewellery designers – most notably, Cartier.

 

Various elements link Fabergé and Cartier between the end of the 19th and the beginning of the 20th century.

Apart from the fact that, just before WWI, Cartier was already an internationally established jewellery Maison, Cartier et Fabergé shared the same clientele – the grand aristocratic families of the European courts and the ultra-wealthy American families such as the JP Morgans, the Rockefellers and the Vanderbilts. Moreover, Cartier and Fabergé offered these clients similar objects: enamelled creations inspired by the French 18th century. These “objects de vertu” were delicately made, and Cartier and Fabergé would compete in this same domain for a few years.

 

Fabergé and Cartier: the birth of two Maisons

 

Fabergé, as a Maison, was born in 1842 in Saint Petersburg, when Gustave Fabergé, the founder, opened the first boutique. Gustave Fabergé came from a family of Huguenots expelled from France after the revocation of the Edict of Nantes in 1685. His son, Carl, continued the family activity from 1870, and he affirmed himself as a goldsmith without parallel.

In 1882, Carl received a golden medal during the Exhibition in Moscow, and Tzar Alexander III, noticing his exquisite work, granted him the royal warrant to serve the Imperial family. From this moment onwards, Fabergé became a leading name in Russia and worldwide.

Today, we remember Fabergé, especially for their Imperial Eggs and their refined enamelled objects inspired by the French 18th-century taste – so much so that the name of Fabergé and the art of enamelling became the same.

 

Cartier was born around the same years, in 1847, when Louis-François Cartier opened a boutique in Rue Montorgueil in Paris. After some time, Cartier moved closer to the Palais Royal – a clever move given that Paris organises the ateliers and workshops per neighbourhood according to their specialities: the area around the Palais Royal is dedicated to jewellers. Alfred Cartier and his son Louis decided on their last move in 1900 when Cartier relocated to 13 Rue de la Paix – today, the Maison’s iconic Parisian address.

 

1900 was a pivotal year for Cartier because this was the year of the Exposition Universelle. This event gathered many people to admire the latest and most significant advancements in various fields. It is in this energetic environment that Cartier and Fabergé “met” for the first time, as both were exhibitors at the event.

Fabergé displayed their notorious eggs, and Cartier at once recognised these precious objects’ superior craft and exquisite execution, deciding to take inspiration from them.

This should not be a surprise as, at the time, there was a mutual love between France and Russia, to the point that the Exposition Universelle in 1900 could be considered a French-Russian event. So, the French loved the Russian style, and the Russian aristocrats loved the 18th-century French style – for example, the palaces built in this period in Saint Petersburg mirrored the French architecture of Versailles and the Trianon.

 

Cartier was now willing and ready to win Fabergé’s clients, so they understood that they would have had to offer them creations close to those provided by Fabergé – this is a hypothesis. Still, it is proven by what Cartier would produce in the following years.

 

Being in Paris was, for Cartier, a great advantage. Paris is the centre of culture and fashion, and Cartier decided to show objects in its windows that looked like those proposed by the Russian Maison. At this time, Cartier was not the Maison we know today. Its style was not defined yet. Cartier was still a jewels reseller, and in 1904-1905 Pierre Cartier travelled to Russia to contact and meet with Fabergé’s leading suppliers (i.e., lapidaries, enamellers, and goldsmiths).

Following these meetings, Cartier began to commission typically Russian-style objects such as miniature lenses, matchboxes, and frames – all in coloured enamel with typically Russian colours, such as light green.

 

In 1909 Louis Cartier returned to Russia to negotiate the purchasing of stones. Still, there were problems: the journey from Paris to Moscow was a long one, the objects arrived damaged, the war between Russia and Japan called many goldsmiths to the front, thus lowering the work’s quality and, last but not least, there were also custom problems related to the payment of duties (so the objects were confiscated).

Following these problems and the granting of the royal warrant from the Russian Imperial court, Cartier understood that it was time for a change. Therefore, Cartier decided to “produce Cartier”: to define its style and produce in France to be recognised among all the others.

 

A typical example of this evolution was the clock.

Cartier streamlined shapes and colours. Four forms (round, square, cubic, and arch) and four primary colours (pink, blue, violet, and green). A significant difference with Fabergé, which counted more than 140 email colours!

Moreover, following their change in strategy, Cartier decided to produce in France – a clever idea since, in Paris, there were, at the time, circa 3.000 workshops. Finding suitable workshops to work the guilloche enamel was paramount, being translucent enamel exceedingly tricky to have.

Cartier also limited the “decorative vocabulary”, restricting the motifs to less than ten, while Fabergé listed them in the order of the hundreds.

A rationalisation of shapes, colours, and decorations (geometric, neoclassic, floral ones) helped to define a precise style and execution.

These elements were mixed in the table clocks, and these were recognised as specifically Cartier.

 

This was the moment when Cartier detached itself from the Fabergé’s inspiration – and there is another reason for this distancing: Cartier’s love for the Orient and its modernity.

Louis Cartier especially loved the Japanese Ikebana – a composition in which the flower and the whole setting are of primary importance.

It was around 1907 that Cartier stopped drawing inspiration from Fabergé (considered too much into the past) and started looking forward to what will become, during the Art Deco period, the so-called “Japonisme”.

 

The ultimate act of separation happened when, instead of opening a boutique in Saint Petersburg or Moscow, Cartier decided to move to New York.

This move propelled the French Maison to the highest levels, and it was a fortunate one if we consider what would have happened in Russia in 1917 with the Bolshevik Revolution.

 

Today, recognising the immense value of both Fabergé and Cartier’s creations, the biggest problem is counterfeiting. There are quite a few pieces out in the market that are thought to have a dubious provenance simply because, in the past, being so similar in style, artisans rebranded Fabergé pieces as Cartier, and vice versa.

 

For this reason, Olivier Bachet and fellow experts created the IAJA (International Antique Jewelers Association) Expertise Group: a team of six leading experts who can assess antique jewels’ authenticity based on scrupulous examination and research in support of buyers and collectors worldwide.

 

 

 

 

 

 

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