Bijoux : l’orfèvre et le peintre

Speaker: Mme Brigitte Serre-Bouret

La conférence “Bijoux : l’orfèvre et le peintre” explore la valeur symbolique des gemmes à travers l’histoire, représentant le pouvoir, la protection et l’expression des émotions. Ces pierres précieuses sont associées aux bijoux et aux portraits, portant des significations au-delà de la simple parure. L’orfèvre comprend le langage des pierres, que le peintre représente symboliquement ou conventionnellement sur toile. La conférence est organisée en trois thèmes principaux :

1. Le langage des gemmes dans les sources écrites et leur symbolique en peinture.

2. Les civilisations antiques (Égypte, Grèce, Rome) : les pierres pour l’éternité.

3. L’art du portrait, du gothique tardif au début du XXe siècle : le bijou témoin de la mode et de son époque.

La conférencière, Mme Brigitte Serre-Bouret, est présentée comme une historienne de l’art et conservatrice réputée, spécialisée en gemmologie. La conférence s’appuie sur son livre et vise à explorer le rôle et la signification des gemmes tant dans les textes écrits que dans les représentations artistiques.

La conférencière évoque la croyance universelle dans les propriétés mystiques et protectrices des gemmes dans différentes cultures, telles que l’Inde et la tradition judéo-chrétienne. En Inde, des textes anciens suggèrent que le port de certaines pierres peut apporter protection et pouvoir, et les astrologues et les joailliers déterminent quelles pierres conviennent aux individus en fonction de leurs chakras personnels et de considérations astrologiques.

Dans la tradition judéo-chrétienne, les pierres précieuses sont associées à la divinité et sont mentionnées dans la Bible, notamment dans la description de la Jérusalem céleste aux murs constitués de différentes pierres précieuses. La conférencière met en évidence l’utilisation des gemmes dans des symboles religieux, tels que le Pectoral d’Aaron, qui comportait 12 pierres précieuses représentant les 12 tribus d’Israël.

Le rôle de l’orfèvre au Moyen Âge est souligné, car ils sont devenus des figures importantes pour créer des objets religieux et travailler avec des reliques. En revanche, les peintres de la Renaissance ont dû relever le défi de représenter symboliquement les gemmes dans leurs œuvres, en s’appuyant souvent sur des ouvrages comme le traité de Cesare Ripa pour les guider dans la représentation de vertus et de symboles spécifiques.

La conférence explore également les significations symboliques de pierres précieuses spécifiques représentées dans les peintures. Par exemple, le diamant représente le pouvoir et est souvent représenté sur des figures religieuses telles que les papes. Les rubis symbolisent l’amour divin et la protection, tandis que les émeraudes sont associées au renouveau et au printemps.

La conférencière mentionne également les perles en tant que symboles de pureté et de chasteté, ainsi que le corail en tant que représentation du sang de la mythique Méduse. Ces deux gemmes sont souvent présentées dans des peintures aux côtés de figures religieuses, transmettant des significations spécifiques liées à leurs histoires.

L’histoire des bijoux remonte à des milliers d’années, et au fil des siècles, ces accessoires ont évolué pour devenir des symboles de statut social, de pouvoir, de spiritualité, et d’expression artistique. Une représentation récurrente dans l’histoire de l’art est celle des peintres italiens qui aimaient représenter les enfants Jésus portant des petites branches de corail autour du cou. Au début, cela symbolisait le sacrifice expiatoire du Christ, mais avec le temps, le corail est devenu un symbole de protection pour l’enfant, devenant ainsi un glissement populaire.

Dans les pays anglo-saxons, les colliers de petites perles de corail et les boules de corail étaient offerts pour protéger les nouveau-nés, une pratique qui était également présente en France jusqu’entre les deux guerres mondiales. Le hochet avec un manche en corail était également un cadeau courant pour les bébés pour apaiser leurs douleurs dentaires.

Un autre symbole intéressant issu de la Renaissance est la collaboration entre Brueghel et Rubens. Un tableau de cette collaboration montre Vénus et Cupidon se regardant dans un miroir. Outre la scène, cet artwork est remarquable pour les bijoux représentés sur la table. Ces bijoux, typiques du début du XVIIe siècle, nous montrent l’évolution des styles de l’époque.

Les civilisations antiques, comme l’Égypte ancienne, ont également laissé des témoignages archéologiques intéressants sur les bijoux. Des bijoux en lapis-lazuli, en cornaline, et en turquoise étaient couramment utilisés, avec des significations liées à la régénération et à la vie dans l’au-delà. Les portraits du Fayoum, des représentations de personnes réalisées du vivant, offrent également des détails sur les bijoux portés à l’époque.

En Grèce, la céramique est une source importante d’informations sur les bijoux portés par les Grecs anciens. Les couronnes à feuilles d’or étaient populaires, et les représentations d’échange amoureux étaient fréquentes, montrant des couples en train de s’échanger des bagues pour sceller leur amour.

Le Moyen Âge voit l’émergence des enseignes, de petits bijoux portés sur les chapeaux pour identifier son statut social et appartenir à un groupe spécifique. L’amour courtois est également illustré dans les bijoux de l’époque, avec des pendentifs en or émaillé représentant des symboles amoureux tels que Cupidon et des motifs romantiques.

La Renaissance marque un tournant dans l’histoire des bijoux avec l’émergence d’une véritable bijouterie. Les grands insignes d’ordres chevaleresques, tels que la Toison d’or, deviennent des accessoires de distinction sociale. Les tailleurs de gemmes en pointe et les cabochons sont fréquemment utilisés dans les bijoux de l’époque.

Les bijoux à cette période sont également influencés par la symbolique religieuse, les vertus, et les motifs marins. Des perles baroques sont utilisées de manière créative, ornées d’êtres imaginaires tels que des tritons et des dauphins. Les peintures de l’époque, ainsi que les écrits et les traités sur la bijouterie, fournissent une riche documentation sur les styles et les tendances de l’époque.

La conférence décrit aussi de manière détaillée l’évolution de la mode des bijoux à travers les différentes époques de l’histoire. Elle met en évidence l’évolution des goûts, des matériaux utilisés, des techniques de fabrication et des symboles associés aux bijoux au fil du temps.

On débute en évoquant l’importance du navire comme moyen de transport des pierres précieuses, des épices et des matières précieuses, soulignant ainsi l’influence du commerce maritime sur la mode des bijoux. Aussi, les bijoux tels que les bagues gémellaires, qui s’ouvrent en deux, sont très prisés à une époque anglo-saxonne. On mentionne également les zibellinos, des bijoux en fourrure qui étaient populaires dans les cours européennes aux XVe et XVIe siècles, ainsi que les pomanders, de petites boules contenant des herbes et des écorces confites, portées pour protéger des odeurs.

Mme Serre-Bouret met ensuite en avant l’importance des personnalités telles que Madame de Sévigné et Joséphine de Beauharnais dans l’initiation de tendances en matière de bijoux. Madame de Sévigné a popularisé les bijoux en forme de nœuds, tandis que Joséphine de Beauharnais a lancé la mode des bijoux étrusques et des peignes-diadèmes. Les bijoux de sentiments et de deuil sont également évoqués, soulignant leur signification et leur utilisation dans la société de l’époque.

L’évolution de la mode des bijoux au XVIIIe siècle est marquée par l’arrivée du strass, qui rend les bijoux plus accessibles. Les bijoux de nuit, tels que les aigrettes et les girandoles, deviennent très populaires, reflétant les lumières des chandelles. L’éclectisme est également important, avec des bijoux s’inspirant de différentes époques et styles.

L’influence de la peinture sur la représentation des bijoux est également discutée. Mme Serre-Bouret souligne que la peinture peut être un témoin important de l’histoire des bijoux, illustrant leur utilisation et leur signification dans la société. Des exemples de portraits de personnages célèbres portant des bijoux sont donnés pour illustrer cette idée.

Enfin, Mme Serre-Bouret raconte l’histoire du diamant bleu “Bleu de France”, depuis son achat par Louis XIV jusqu’à sa présence actuelle au Smithsonian Muséum à Washington. Il évoque la superstition entourant ce diamant et les différents propriétaires qui l’ont possédé au fil des siècles.

Dans l’ensemble, cette conférence offre un aperçu complet et détaillé de l’évolution de la mode et des bijoux à travers les siècles et la peinture, en soulignant les influences historiques et culturelles qui ont façonné cet univers fascinant.