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Les automates : Magie de la mécanique d’art

today11 May 2023

Written by: Justine Lamarre

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Si les arts mécaniques signaient le renouveau de la joaillerie d’exception ?
Délaissés depuis plusieurs décennies par les créateurs contemporains, les automates reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène. De Mauboussin à Van Cleef & Arpels, les plus belles maisons de joaillerie n’hésitent plus à s’entourer des plus grands-maîtres automatiers pour donner vie à leurs créations, signant ainsi le renouveau d’un art majestueux.

L’art de l’automate

Créature mécanique qui fascine autant qu’elle intrique, pour François Junod, l’automate est un être mystérieux et magique à la fois. Véritable concentré de technique et de poésie, son seul but est de « faire rêver » celui qui le regarde. Pour l’automatier mondialement reconnu, et installé à Sainte-Croix depuis 1984, il est possible de distinguer deux catégories d’automates : ceux qui étonnent par leur technique, et ceux qui fascinent par la poésie qu’ils exhalent. Persuadé, que les réalisations les plus spectaculaires sont celles qui conjuguent avec justesse mécanique et féerie, c’est en respectant ce principe que François Junod donne vie à des objets qui nous « transportent dans un autre monde ».

Si les premiers automates apparaissent dans la Grèce antique, c’est véritablement au 18ᵉ siècle, en résonance avec le développement de l’horlogerie, que le métier d’automatier se codifie. Artisan mécanicien qui maîtrise la science des rouages et des engrenages, l’automatier programme des objets pour qu’ils exécutent en parfaite autonomie un mouvement déterminé, il est pour ainsi dire l’inventeur des premiers robots modernes. Ses productions, qu’elles soient zooïdes ou humanoïdes, se miniaturisent vers la fin du 18ᵉ siècle pour être dissimulées à l’intérieur d’une boîte à musique ou d’une montre. Objets extraordinaires ayant vocation à amuser, les automates fascinent et créent l’émulation dans toutes les cours royales et dans tous les salons de l’aristocratie.

Depuis plus de 200 ans, l’automate se décline en une multitude d’objets d’art, allant des œufs à musique de Fabergé aux poupées animées de Jacquet Droz. Inspirant les plus grands artistes de l’après-guerre, il prend au 20ᵉ siècle des allures de sculptures cinétiques, comme celles réalisées par l’artiste suisse Jean Tinguely. À notre époque contemporaine, ce qui semble définir le mieux l’automate, c’est son mouvement, un point de vue partagé par les restauratrices Aline Michel et Zoé Snijders, pour qui chaque automate incarne un savoir-faire rare : retranscrire et mettre en scène le mouvement de la vie.  

Art mécanique et Haute Joaillerie 

Depuis quelques années, il n’est plus rare que de grandes maisons de joaillerie fassent appel au talent d’artisans automatiers renommés pour développer des créations inédites. François Junod a ainsi collaboré avec des maisons historiques comme Mauboussin ou encore Vacheron Constantin, pour concevoir des pièces uniques et des commandes particulières pour de prestigieux clients.
Depuis 15 ans, celui qui est considéré comme le plus grand automatier du monde, réalise des pièces remarquables pour le joaillier Van Cleef & Arpels. Parmi ces objets extraordinaires, La fée Ondine, réalisée en 2006, est l’une des créations qui illustre le mieux cette fusion entre art mécanique et joaillerie. Fruit de sept années de travail, cette réalisation excessivement poétique est l’une des pièces joaillières les plus complexes, toutes catégories confondues. Mettant en scène une fée, un papillon et une fleur de nénuphar, cet automate offre un panorama sur les nouvelles possibilités créatives que permet l’introduction des arts mécaniques dans l’univers de la haute joaillerie.

Si ces œuvres collaboratives offrent une visibilité hors pair au travail de l’automatier, elles lui permettent aussi d’expérimenter de nouveaux matériaux comme l’or, le platine, la nacre ou les pierres précieuses. Des matériaux « durs » qui contrastent avec ceux habituellement utilisés, car les automates « traditionnels » ne sont jamais totalement livrés au regard des spectateurs. Mains et visages sont souvent les seules parties visibles, les vêtements ayant pour fonction de dissimuler les mécanismes. Mais, dans l’univers de la joaillerie, ce tissu qui laisse justement une liberté incroyable à l’automatier, n’existe pas. Pour reprendre l’expression de la gemmologue et historienne Nathalie Marielloni, la gemme n’offre « rien pour cacher ». Intransigeantes, les pierres précieuses ne laissent pas de place à l’erreur : la qualité, la taille ou encore les inclusions doivent être parfaitement appréhendées.

La Fée Ondine, dont le visage est matérialisé par une aigue-marine facettée, témoigne de cette exigence, car c’est précisément la pierre, et la manière dont celle-ci est travaillée, qui permet de créer les expressions du visage. Ainsi, tout ce qui ne peut être retranscrit par le mouvement est suggéré par un travail de joaillerie. Cette connivence entre le gemmologue et l’automatier devient alors la condition sine qua non pour réaliser des joyaux animés.

De la préservation à la conservation

Comme toute production qui relève de la sphère de l’horlogerie, un mécanisme qui n’est pas en mouvement est un mécanisme qui se dégrade inévitablement. Tout automate exige un entretien et un travail de maintenance perpétuel, or, il n’y a que deux manières de préserver un automate : le faire fonctionner régulièrement ou renoncer à le faire fonctionner. Lorsque la seconde option devient la seule manière de préserver la matérialité de l’œuvre, l’objet de curiosité devient objet de musée. Mais, quel serait l’intérêt ou la fonction d’un automate qui ne serait jamais en mouvement ? C’est certainement la problématique la plus brûlante que devront résoudre ensemble joailliers et automatiers pour continuer à produire des pièces toujours aussi merveilleuses. 

Avec :

Laurence Bodenmann

Nathalie Marielloni

Aline Michel

Zoé Snijders

François Junod

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